Le Palais Thott

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Lieu chargé d’histoire, le Palais Thott abrite aujourd’hui l’Ambassade de France au Danemark. Ce palais édifié au XVIIe siècle figure parmi les bâtiments les plus remarquables de Copenhague, où il occupe le numéro quatre de Kongens Nytorv, la nouvelle place royale.

Organisation d’événements :
Il est possible de louer les salons de ce palais exceptionnel pour y accueillir des événements prestigieux en plein cœur de Copenhague : réceptions, dégustations, conférences, défilés de mode, etc. Plus d’informations

Vous pouvez suivre une visite (en danois) du Palais Thott - merci à Realdania pour la collaboration :

La France au Palais Thott, depuis quand ?

2002 a marqué le quatre vingtième anniversaire de l’installation de la France au Palais Thott, une présence en tant que locataire d’abord (1922-1930) et comme propriétaire depuis 1930, date à laquelle le Palais fut mis en vente et acheté par l’Etat français. (lire également plus bas : Du nouveau dans l’histoire architecturale du Palais Thott)

La vérité historique oblige à dire que le Ministre de France (note 1) présent à Copenhague en 1922, Louis de Fontenay, n’était ni le premier chef de mission diplomatique, ni le premier envoyé extraordinaire et plénipotentiaire français à s’y installer (note 2) :

  • à partir de 1804 et jusqu’en 1893 le Palais abrita la légation de Russie, puis celle d’Allemagne (1910-1912) et celle d’Italie de 1912-1920.
  • auparavant, un personnage hors du commun le Comte de Plelo, Ministre de Louis XV, y résida de 1729, date de sa prise de fonctions, à 1734, année de sa mort durant le siège de Dantzig.

Pourquoi le nom de "Palais Thott" ?

C’est en 1760 que le Comte Otto Thott (1703-1785) fit l’acquisition du Palais. Longtemps (1746-1759) Premier délégué aux Finances (nous dirions aujourd’hui Ministre des Finances) cet économiste distingué, amateur des arts et des lettres (sa bibliothèque comportait 120.000 volumes), fut aussi chef de la Chancellerie danoise (affaires intérieures les Finances) et un court moment, en 1780, Ministre des Affaires étrangères (note 3). Les héritiers d’Otto Thott, les barons Reedt Thott, resteront propriétaires de cette magnifique résidence jusqu’en 1930.

Mais l’histoire du Palais n’a pas commencé avec la famille Thott. C’est le grand Amiral Niels Juel, fameux dans l’histoire du Danemark pour sa victoire magistrale sur la flotte suédoise devant Køge en 1677 qui, avec l’autorisation du roi Christian V, décide d’édifier sa demeure sur cette vaste place dessinée à l’emplacement des vieilles fortifications de la ville, Kongens Nytorv, la "Nouvelle Place Royale". A sa mort, en 1697, ce Palais fut acheté par la couronne royale pour un fils illégitime de Christian V, Christian Gyldenløven Comte de Samsø (1674-1703). Très jeune, en 1691, il est envoyé à la Cour de France où Louis XIV le reçoit avec les honneurs royaux ; il participe avec distinction aux campagnes des Flandres et reçoit le Commandemant du "Royal Danois", régiment créé pour lui (note 4) . Le Palais Thott devait donc rester jusqu’en 1760 le propriété des descendants de Christian Gyldenløve (famille Dammeskjold-Samsø).

Le Palais Thott : Quel intérêt ?

Profondément lié à l’histoire politique du Danemark et à plusieurs reprises à l’histoire des relations franco-danoises, le Palais Thott présente en outre un double intérêt : son architecture et sa décoration.

Le Palais de Niels Juel construit de 1683 à 1686 (sous l’autorité d’un architecte dont le nom n’est pas connu) était de style Renaissance italienne avec des piliers toscans, un grand porche, une haute toiture et un balcon à colonnes.

Otto Thott modifia profondément le Palais. Les travaux furent menés par Nicolas Henri Jardin, architecte français (1720-1799) venu au Danemark à la demande de l’Etat danois en 1755 pour assurer la poursuite de la construction de l’Eglise Frederic, "Frederikskirken" (note 5)et qui devait y rester une quinzaine d’années (note 6). Jardin donne à la grande façade son aspect actuel : les chapitaux des piliers devinrent corinthiens, le porche est surmonté d’un fronton triangulaire à l’effigie d’Athenée, le balcon à colonnes laisse place à une balustrade surmontée de vases et de statues allégoriques (Minerve, Vesta, Aphrodite et la Justice). Jardin s’occupe également de l’intérieur : il dote l’hôtel d’un des rares grands escaliers "à l’italienne" de la ville : on lui doit également les boiseries et les stucs originaux des pièces de réception. Dans la cour, il construit un bâtiment en demi-lune ("runddel") destiné à le fermer vers l’arrière.

La décoration intérieure du Palais est particulièrement éblouissante. Des tapisseries qui pour la plupart d’entre elles proviennent des collections du Mobilier National : "le Triomphe de Mars" d’après un carton de Noel Coypel (partie d’une célébre série de huit tapisseries de la Manufacture des Gobelins de la fin du XVIIe siècle (illustrant le triomphe des dieux) ; "l’adoration du veau d’or", tapisserie des Gobelins du début du XVIIe, d’après un carton de Nicolas Poussin ; deux tapisseries des Flandres du XVIIe représentant des épisodes des campagnes d’Alexandre le Grand ; deux tapisseries des Gobelins du début du XVIIIe d’une série de sept consacrée à l’histoire d’Esther d’après les cartons de Jean-François de Troy ("la toilette d’Esther" et "le repas d’Esther") ; deux tapisseries du XVIIIe de la manufacture de Beauvais, l’une représentant "le dénicheur d’oiseaux" d’une série appelée "les jeux russiens" d’après les dessins de Jean-Baptiste Leprince ; l’autre un épisode de la vie de Don Quichotte ; une tapisserie des Gobelins de la fin du XVIIIe /début XIXe "l’enlèvement de Dejanire par le centaure Nessus" d’après un tableau du peintre italien Guido Reni.

Plusieurs tableaux de célèbres peintres français, un peintre du XVIIIe siècle Louis Tocque (note7) ; des peintres pré-impressionistes du XIXe siècle : Isabey, Corot, Diaz de la Pena.

Un très beau mobilier d’époque Louis XVI : secrétaire en bois de rose estampillé Nicolas Petit ; commode ; canapé ; bergère ; fauteuils estampillés Georges Jacob, et il faudrait encore mentionner les nombreux biscuits de Sèvres, le cartel Louis XV et les pendules Louis XVI, la cristallerie de Saint Louis etc...

L’Ambassade de France au Palais Thott, pourquoi ?

Certains pourraient s’étonner qu’une ambassade puisse bénéficier d’un tel cadre de vie et de travail ; mais ce que disait Johan Hartvig Ernst Bernstorff alors qu’il était ministre des Affaires Etrangères de Frédéric V, "les arts sont les ornements d’un Etat", reste toujours d’actualité. Plus près de nous, Catherine Clément, dans sa préface à un très bel ouvrage sur les ambassades de France et les Trésors du patrimoine diplomatique, a très bien expliqué qu’une ambassade, pour réussir, doit savoir plaire : "dès l’instant qu’elles savent plaire, nos ambassades sont capables de tout".

Conscient de sa responsabilité en tant que propriétaire d’un joyau qui fait incontestablement partie du patrimoine du Danemark, l’État français s’emploie à en assumer la conservation dans de bonnes conditions. Pour le conseiller dans cette entreprise, un Comité Scientifique franco-danois auquel des personnalités danoises de premier plan ont bien voulu accepter de prêter leur concours, a été mis en place au cours de l’année 2002.

Un patrimoine qu’il nous appartient aussi de faire connaitre au public, et d’abord au public danois, cela depuis plusieurs années déjà, en organisant une journée portes ouvertes à l’occasion de la journée nationale du patrimoine.

Du nouveau sur l’histoire architecturale du Palais Thott

En octobre 2002, le Ministère français des Affaires Etrangères, sur les conseils du "Comité Scientifique franco-danois du Palais Thott" (ce Comité consultatif, mis en place en mai 2002, est composé, pour la partie danoise, de MM. Steen Hvass et Hans Munk Hansen et de Mme Hanne Raabyemagle), demandait à deux historiennes danoises, Madame Ulla Kjaer, historienne d’art, chercheur au Musée National et Madame Eva Trein Nielsen, historienne, de procéder à une étude de l’évolution, sur le plan architectural, du Palais Thott, de son édification (1683-1686) à nos jours.

Les recherches engagées ont fait une grande place à l’examen des archives disponibles auxquelles les deux historiennes ont pu avoir accès.

La consultation des archives privées de la Comtesse Anna Sophie Schack née Rantzau, qui se trouvent aux Archives Nationales à Copenhague (Rigsarkivet) a permis de mettre en lumière des éléments jusqu’ici occultés.

Traditionnellement (cf. l’ouvrage de Madame Louis Hermite " La vie d’un palais danois " Editeur H. Hagerup 1933), les transformations qu’a connues le Palais au XVIIIè siècle étaient attribuées à l’architecte Nicolas Jardin, transformations tant extérieures qu’intérieures, réalisées en 1763 et 1764 à la demande d’Otto Thott, propriétaire du Palais depuis 1760.

Les recherches de Mmes Ulla Kjaer et Eva Trein Nielsen, ont permis d’arriver à la conclusion que si Nicolas Jardin était bien l’auteur des transformations extérieures, les transformations intérieures en revanche avaient été réalisées quelques années auparavant par l’architecte français Christophe Jacob Vallois à la demande de la propriétaire d’alors, la Comtesse Anna Sophie Schack.

La Comtesse Schack avait acheté le Palais de Kongens Nytorv en 1754 au Comte Frédéric-Christian Danneskjold. Elle le conserva jusqu’à la fin de sa vie en 1760. Alors, conformément aux dispositions de son testament, le Palais fut mis en vente aux enchères et acquis par Otto Thott.

Comme le disent Mmes Ulla Kjaer et Eva Trein Nielsen dans leur rapport, la transformation par l’architecte Nicolas Jardin de la façade du corps de logis principal ne fait aucun doute vu qu’il en existe une gravure faite par G.E. Rosenberg l’un de ses élèves et qui représente la façade après son remaniement, gravure qui date de 1763 d’après un dessin de la même année de Nicolas Jardin.

Mais les archives privées de Mme Schack contiennent nombre de lettres concernant le travail effectué à Kongens Nytorv par l’architecte français Christophe Jacob Vallois (extension de l’aile de Bredgade, transformation de la rondelle en lieu d’habitation, réaménagement du bel étage, etc...). Christophe Jacob Vallois aurait quitté le Danemark en novembre 1756 après un séjour de deux ans. Les travaux se seraient poursuivis quelque temps après son départ car comme l’architecte l’écrivait " il faut du temps pour rédiger correctement un hôtel et surtout dans un vieux bâtiment pour y rendre l’utile ".

Au total, et pour citer nos historiennes, Anna Sophie Schack avait entrepris " la transformation du palais baroque tout axé sur le cérémonial qu’il était en un hôtel particulier moderne de style français plus tourné vers la vie de société et le confort ".

L'ambassade dans son environnement
L'ambassade dans son environnement
L'ambassade dans son environnement
L'ambassade dans son environnement
Escalier d'honneur
Escalier d'honneur
Salon rouge
Salon Gyldenløve
Salon Gyldenløve
Salon Gyldenløve
Chambre Gyldenløve
Chambre Gyldenløve
Chambre Gyldenløve
Chambre Gyldenløve
Grand salon
Grand salon
Grand salon ou Salon à musique
Grand salon ou Salon à musique
Double salon
Double salon
Double salon
Double salon
Double salon
Salle à manger
Salle à manger
Salle à manger

Notes

  1. Ministre de France : formule utilisée pour désigner le responsable d’une "légation".
  2. On peut consulter l’ouvrage de Mme Louise Hermitte, épouse du Ministre de France à Copenhague (1924-1933) Louis Hermitte, intitulé "La vie d’un palais danois. La légation de France à Copenhague "(Copenhague, Hagerup Editeur 1933)
  3. Une copie de son portrait par P. Kraft (château de Frederiksborg) est exposée encore aujourd’hui dans la salle à manger du Palais.
  4. Le souvenir de Christian Gyldenløve se perpétue dans l’aile gauche du palais où l’on retrouve dans les appartements, son chiffre couronné sur des boiseries exécutées vers 1701.
  5. Sur Nicolas Jardin, voir l’étude de Mme Ulla Kjaer dans la revue Architectura n° 14. Nicolas Jardin fut aussi professeur à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague. Outre Frederikskirken (projet qui resta inachevé) on lui doit les châteaux Bernstorff et Marienlyst, le jardin de Fredensborg, la salle à manger et la volière du Palais de Christian VII à Amalienborg, la caserne de Sølvgade à Copenhague, le palais jaune à Amaliegade.
  6. L’Ambassade présente une copie du portrait de Nicolas Jardin d’après le fameux tableau de Peter Als de 1764.
  7. Louis Tocqué (1696-1772) séjourna au Danemark en 1758 et 1759 et réalisa des portraits du Roi Frédéric V et de la Reine Juliana-Marie ainsi que de plusieurs personnages de la Cour.

Télécharger le chapitre consacré au Palais Thott de l’ouvrage photographique : "Ambassades de France", tome II - Editions Perrin et de la Direction des Archives du Ministère des Affaires Etrangères

Voir le dossier sur la rénovation du palais Thott

Dernière modification : 27/09/2021

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